Le footballeur brésilien Daniel Alves a été accusé d'avoir violé une femme dans les toilettes d'une discothèque de Barcelone en décembre 2022. Il a été condamné par la justice espagnole pour agression sexuelle à quatre ans de prison, au paiement d'une indemnisation de 150 000 euros et à cinq ans de liberté surveillée à accomplir après la peine d'emprisonnement. La somme de 150 000 euros, qui correspond à l'indemnité que la victime recevra au titre du préjudice moral, a été versée par la famille du footballeur brésilien Neymar. Daniel Alves n'ayant plus accès à ses biens depuis son arrestation, il s'est tourné vers Neymar pour obtenir de l'aide. Le versement d'une indemnité a permis de réduire sa peine de 9 ans à 4 ans et 6 mois de prison.
Cet incident met en lumière la complicité entre les masculinités hégémoniques, marquée par des dynamiques de pouvoir, de privilège et de prestige, au travers d'une violence consentie entre et/ou par ces dernières. Selon Kimel (2016), la masculinité peut être définie comme un ensemble variable et constant de significations que les hommes construisent avec eux-mêmes, avec d'autres hommes et avec le monde. Elle n'est ni statique ni intemporelle ; elle n'est pas la manifestation d'une essence interne (elle n'est pas non plus biologique), mais une construction culturelle, qui a des significations différentes à différents moments. Même dans une culture spécifique, comme le Brésil, nous pouvons trouver différentes masculinités (locales et régionales) et elles sont en tension constante.
L'un des facteurs fondamentaux mis en évidence par Kimel (2016), Badinter (1992) et Dupuis-Déri (2012) est le besoin constant d'approbation de la masculinité par les pairs masculins. L'accès à la masculinité est marqué par l'approbation homosociale (Zanello, 2020). Selon Dupuis-Déri (2012), il semble finalement que les hommes étaient bien conscients qu'il était plus avantageux d'être un homme qu'une femme dans la société occidentale. Badinter (2012) souligne qu'être un homme, dans notre culture, est une construction qui se fait à l'impératif et au négatif : " sois un homme ! Ne sois pas une fillette", et c'est là le pilier central de la misogynie, c'est-à-dire du rejet des femmes.
Welzer-Iang (2001) a métaphoriquement décrit la "maison des hommes" pour illustrer la manière dont la construction de la masculinité opère dans des espaces homosociaux. C'est un lieu symbolique où les hommes doivent passer par une série d'épreuves fournies par d'autres hommes, visant à éliminer tout ce qui est associé aux femmes. Cette construction de la masculinité repose sur un double paradigme naturaliste qui glorifie la supériorité des hommes et promeut une vision hétérosexuelle de la masculinité.
C'est dans cette maison symbolique, pleine de passages vers des pièces "supérieures", que s'apprend tout le capital de performance nécessaire pour devenir un "homme". L'éducation se fait en mimant la violence : contre soi-même (brutalisation physique et/ou émotionnelle), contre les autres hommes (compétitions) et contre les femmes en général (Zanello, 2020).
Les hommes en viennent à jouir de la solidarité et du soutien social entre eux (camaraderie, fraternité et “broderie”). Ces espaces ont des caractéristiques sadiques et dominantes. L'aspect important de la "maison des hommes" par rapport à cet artefact est le silence compact, même parmi les hommes qui ne correspondent pas à la masculinité hégémonique, face à la violence à l'égard des femmes, caractérisant une culture du silence (Zanello, 2020).
Neymar, avec ses millions de followers sur les réseaux sociaux et son statut d'icône mondiale du football, incarne les modèles masculins conventionnels qui occupent une place prépondérante dans les représentations médiatiques et culturelles, comme l'ont également noté Dupuis-Déri (2012). Cependant, son soutien financier à Daniel Alves, impliqué dans une affaire de viol, soulève des questions sur la responsabilité des figures publiques dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes. En donnant 150 000 euros à Alves pour l'aider à réduire sa peine, Neymar semble cautionner les actes de violence envers les femmes, ce qui est particulièrement préoccupant étant donné sa notoriété et son influence sur les jeunes admirateurs. “Le terrain de football (sport particulièrement violent) est le seul lieu où la suprématie masculine est incontestable” (Badinter, 1992).
C'est ainsi que fonctionne la maison des hommes, le pacte politique, médiatique et culturel silencieux de ceux qui n'ont pas participé à l'acte et l'ont seulement observé, ou de ceux qui ont quitté le terrain mais ne l'ont pas signalé à la police ou à toute autre autorité susceptible de protéger la victime. La violence peut avoir de nombreuses significations et doit être analysée de manière intersectionnelle. Le genre est un facteur important dans l'analyse du silence masculin. Il s'agit de la violence à l'égard des femmes dans la sphère privée et publique, qui montre la visibilité et l'étendue du fonctionnement des masculinités dans la recherche de leur honneur par rapport à elles-mêmes et aux autres.
Bibliographie:
Badinter, E. (2003). Fausse route. Paris, Odile Jacob (1992). XY : de l’identité masculine. Paris. Odile Jacob.
Dupuis-Déri, F. (2012). Le discours de la « crise de la masculinité » comme refus de l’égalité entre les sexes : histoire d’une rhétorique antiféministe. https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2012-1-page-119.htm
Kimmel, M. (2016). Masculinidade como homofobia: medo, vergonha e silêncio na construção da identidade de gênero. Equatorial, 3(4), pages 97-124.
Lépinard, É. et Lieber, M. (2020). Les théories en études de genre. La Découverte.
Raboy, M. et Dagenais, B. (1992). « Introduction : Media and Politics of Crisis », dans Marc Raboy et Bernard Dagenais (dir.), Media, Crisis and Democracy : Mass Communication and Disruption of Social Order. Londres, Sage : 1-15.
SportBuzz. (2024, 22 février). Ajuda da família de Neymar reduziu pena de Daniel Alves; entenda. https://sportbuzz.uol.com.br/noticias/futebol/ajuda-da-familia-neymar-atenuou-pena-de-daniel-alves.phtml
Welzer-Iang, D. (2001). A construção do masculino: dominação das mulheres e homofobia. Revista de Estudos Feministas, 9(2), pages 460-482.
Zanello, W. (2018). Saúde mental, gênero e dispositivos: cultura e processos de subjetivação (1e éd.). Valeska Zanello.
Écrit par Juliana Lopes de Camargo
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